Plume de zèbre

Ben voilà. J’ai réussi à réécrire un petit peu. Alors je livre ça ici.

Plume de zèbre

Ou Les heures blanches

Pour Léo Haag, à qui je dois ce titre, et cette phrase qui m’inspira cette rêverie

« J’irai me retourner dans la tombe de Chopin »

Sur scène, un coffre, une table de chevet et un lit, en vrac. Au chevet du lit, une lampe, un réveil. L’horloge indique 3h45.

Un homme, dans le lit, qui allume et éteint la lampe.

Clic régulier et respiration sonore.

L’homme :

Ça y est, c’est l’heure. L’heure blanche qui sonne, vous entendez ?

Je la reconnaîtrai entre mille l’heure blanche. Quand elle arrive, quand elle sonne, j’attends tout simplement. Frénétiquement. J’attends que passe l’heure blanche.

Quand j’ai les yeux fermés, je vois danser devant mes yeux clos les formes fantomatiques qui hantent les murs de ma chambre. Je les devine ces éclats de lumière torves, ces couleur amères, ces souvenirs purulents et putrescents. Je ne veux plus les voir, alors je garde les yeux ouverts. Bien obligé. Comme ça, je vois plus que le plafond tout blanc de ma chambre.

Allons, négocions ! Si je dois garder les yeux ouvert, je pourrais au moins me boucher les oreilles. J’entends tout pendant l’heure blanche. Absolument tout. J’entends mon cœur qui bat, mon sang cogner à mes tempes, mes poumons qui craquellent, ma respiration qui s’accélère, le bois du sommier qui travaille. Tout, j’entends tout. Et surtout cet acouphène dont je n’arrive pas à me débarrasser. J’ai tout essayer. Même d’écouter du bruit blanc avant de m’endormir. Mais c’est encore pire.

C’est ça, les heures blanches. Ces heures où la fatigue devient trop grande pour ne serait-ce qu’arriver à s’endormir. Ces heures où l’on a le cœur tellement large qu’on se sent minuscule. Ces heures où l’on a la tête tellement pleine qu’on ne peux plus penser à rien. Ces heures où les larmes aimeraient bien couler. On aimerait faire couler les larmes, mais il est bien trop tard, les yeux sont bien trop sec, ce n’est plus l’heure maintenant pour pleurer. Maintenant, il faut dormir.

Dormir !

Il s’agite dans son lit, cherche une position, puis une autre, et encore une autre. Il remodèle son oreiller, une fois, deux fois, trois fois. Rate et recommence. S’énerve.

C’est les heures blanches. L’heure où l’on lutte contre son corps. On va bien finir par se le fabriquer ce silence, à grand coup de poing dans l’oreiller s’il le faut. L’heure où l’on crève son polochon pour ne pas crever sois-même.

Dans son agitation, il a crevé son oreiller. Des milliers de plumes partout dans la chambre. Il s’apaise.

Éventrer son oreiller, et livrer son merveilleux contenu. Mille oiseaux blanc dans ma chambre. Ahaha, on dirait bien qu’il neige.

Il joue avec les plumes quand soudain quelque chose attire son regard.

Mais qu’est ce queVoyons voir l’objet du délit ? Mais oui.

Il s’empare d’une plume zébré de noir et de blanc.

Ça alors, une plume de zèbre. Une véritable plume de zèbre. Au public Voyez mesdames et monsieur la parfaite régularité des lignes, ainsi que l’alternance entre l’ébène et l’ivoire. La courbure élégante, le bec finement ciselé. Un magnifique spécimen. Cela faisait longtemps que je n’en avait pas vu de semblable.

Comment vous ne me croyez pas ? Mais mesdames, messieurs, ce que vous ne savez pas c’est que la plume de zèbre a d’incroyables capacités. Des vertus pour ainsi dire magiques. Et c’est extrêmement utile.

Ça sert, voyons… Voilà, ça sert à se repasser le cœur quand il est trop chiffon. Ça sert à rien qu’être serein, ça sert de duvet tout doux, ça sert à s’évader des barreaux de nos lits qui sont trop dur pour la moindre cisaille, ça sert à prendre des chemin de traverse, ne pas craindre l’averse, passer entre les gouttes et faire la traversée de la scène à la rage, ça sert à …

Le plus simple c’est que je vous montre.

Il va jusqu’au coffre, et en sort une veste queue de pie.

Ça sert à débusquer les veilles frusques, les souvenirs vétustes, les rires du temps jadis. Ça sert à réveiller les morts.

Criant Allons Chopin, sort de ce coffre. Il agite la plume et résonne alors la nocturne n°9 de Chopin

Et bien cela faisais longtemps que tu ne m’avais pas visité. Que deviens-tu l’ami ? Toujours mort ? Très bien. Tu dois te sentir un peu seul dans le froid du caveau. Ne fais pas cette tête-là, voyons. Ce n’est rien. Tu ne peux être tout à fait mort puisque je suis là moi, encore.

Mais ce soir, c’est les heures blanche, allons sortez tous, les Mozart, Debussy, Cole Porter, et vous aussi les Kink’s. Allons, allons, ne soyez pas timide.

Transition : Aria de la reine de la nuit/ le clair de lune / Night and days / All day and all of the night. Il joue à diriger ces airs.

Allons amis. Allons sortez tous, ce soir, c’est jour de fête. Ce soir c’est la grande parade macabre des squelettes des placard, la grande marche des vanités, la grande foire aux angoissés, des momies malhabiles et maternelles. Allons sortez, sortez donc !

Soudain trois coup. La musique s’arrête.

VOIX EN COULISSE :

C’est pas bientôt fini, ce bordel ! Y en a qui dorment !

Reprise de la nocturne.

Chut ! C’est que les vivants n’aiment pas être déranger par les morts. Et vice et versa. Sauf peut être quand on possède une plume de zèbre, chacun dans son monde et les caveaux seront bien gardés.

Ça sert à ça, une plume de zèbre. Vous croyez que seuls les oiseaux peuvent chanter ? Mais non. Les zèbres aussi vont se poser sur les branches, à l’heure blanche. Pour entonner le chant de l’aurore. Le chant de l’espoir qu’il faut bien garder, au chaud précieusement. Juste là dans le creux. Là d’où nous vient la musique et le chant des oiseaux. Oui le garder précieusement, parce qu’on le sait l’espoir, par définition, est très volatile.

Tenez, vous entendez ? Le chant du zèbre a fonctionné. Il regarde par la fenêtre. L’aube dégringole, mal réveillé comme d’habitude. Encore une qui a passé une sale nuit. Salut à toi, l’aube. Salut. Je souhaite mille couleurs comme autant d’oiseaux dans ma chambre.

Il se recouche.

Moi, je vais garder son chant et sa plume, bien au chaud, avant que le jour vienne.

Car ce soir, je m’évade.

Il jettent la plume en l’air. Délicatement, elle chute vers le sol, jusqu’à s’immobiliser.

Et l’homme, enfin, s’endort.

Noir.

 

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Désolé pour ce tag… Mais j’ai un problème avec la propriété.

Première chronique de l’année. J’ai pas dit tout ce que j’avais à en dire, mais je remerci ici les tumblr Graffitivre et La rue ou rien qui m’inspire tout les jours, ainsi que l’excellent livre « Tiens ils ont repeint » aux éditions La découverte à qui j’ai tout piqué ^^

Je marche dans la rue, à la bourre, comme à mon habitude. Je marche dans la rue, je suis même pas bourré, contrairement à mon habitude. Je marche vers le Breughel pour faire une émission de radio et je marche en tergiversant sur le sujet de ma chronique pas encore écrite. Je vais me faire démonter par le chef, si je ponds pas quelque chose dans les vingt-cinq minutes de marche que je m’accorde.

De quoi je vais bien pouvoir causer ? Et comment est ce que je vais pouvoir être drôle ? C’est pas ma faute si je suis pas drôle, c’est le monde qui a commencé d’abord. Et puis là, en passant devant un lycée, j’ai vu inscrit à la bombe : « Ils écrivent dans nos têtes, alors on écrit sur leur murs ». Ca m’a fait sourire. J’aime bien ça, ces aphorismes urbains, gravé d’un trait rageur, poétique ou absurde.  Oui je les aime bien les ceusses qui n’ont pas attendu Facebook pour écrire sur un mur. Les ceusses dont même les mots sont à la rue. Les ceusses qui écrivent sur les murs parce qu’ils sont sans papiers. Les ceusses qui pieusement viennent inscrire leur message en s’agenouillant comme dans une prière où ils diraient : je vous salis ma rue

Alors je me suis dit pourquoi pas, c’est un sujet de chronique comme un autre : les tags. Tiens pour parler de la liberté d’expression. Après tout on va fêter les 50 ans de mai 68 cette année et ce week-end, y a eu des commémorations pour les attentats de Charlie Hebdo. Y a quelque chose d’un peu ridicule, vaguement marrant dans cet hommage : Manuel Valls, en tête de gondole de la manif, pour causer liberté d’expression, c’est plutôt drôle. Lui qui sous couvert de laïcité venait sans doute prévenir la France du danger grandissant d’un islamisme féroce. C’est le fameux paradoxe : Les hommes naissent libres et égaux en droits, mais certains plus que d’autres.

Je marche dans la rue toujours à la bourre et je me rappelle qu’à l’époque, la mairie de Toulouse avait utilisé les panneaux JCDecaux pour mettre de grande affiche « Je suis Charlie ». Alors qu’ils avaient censuré une expo sur le harcèlement de rue deux mois avant. J’avais ri ce jour là parce qu’une main invisible avait taggué sur ces dit panneaux : « Tu t’es vu sans Cabu ».

J’aime bien, j’aime bien ses euphorismes anonymes qui foutent un peu la pagaille dans le paysage de la ville. C’est vrai, on est tellement agressé par les pubs partout tout le temps qu’on en arrive à baisser la tête pour les éviter. Mais bien entendu, ils ne se sont pas laisser faire. On courbe l’échine sous les injonctions consuméristes pour ne pas les voir, pas de problème. Y a qu’à autoriser la pub sur les trottoirs. C’est déjà en cours dans trois villes de France : Bordeaux, Nantes et Lyon. Bien sur ça a râlé, alors Edouard Philipe a suspendu l’idée pour le moment. Pour le moment seulement. A Nantes et à Bordeaux. Pas à Lyon. Etrange. C’était qui le maire de Lyon déjà ? Ah oui. Gérard Collomb. Qui a usé de sa liberté d’expression pour dire qu’il en avait marre de passer pour le facho de service. Il faudrait qu’on le plaigne, le pauvre mal-aimé parce qu’il fait seulement ce qui est bon pour la France. Ça expulse des migrants à tour de bras, ça laisse des gens dans la merde, ça va même jusqu’à leur refuser les conditions élémentaires de survie en déchirant leurs tente ou en  leur refusant l’accès à un point d’eau. Et ça se plaint de passer pour le facho de service. Pauvre Gérard.

La liberté d’expression, pour le moment dans la rue je la vois surtout pour les entreprises. Un peu moins pour les citoyens tout de même. La ville entière, nos moindres déplacements, l’espace public en général, sont des occasions pour nous lobotomiser, rarement pour nous permettre de nous exprimer à haute voix. L’horreur est humaine, et l’erreur est urbaine.

Tiens cette fameuse liberté d’expression même quand elle s’exprime virtuellement, la classe politique devient méfiante. Balance ton porc.. Me too… C’est du lynchage, c’est degueulasse à ce qu’il parait. Même Catherine Deneuve est d’accord. Mais la pub partout tout le temps sur internet, pas de souci. Au point que des bloqueurs de publicité ont compris qu’ils avaient intérêt à laisser passer certaines pubs. Contre paiement bien entendu.

Bref, ces traits d’esprit, un peu sauvage, ces fissures, ces cicatrices syntaxiques dans ma rue, ça me plait. Je marche dans ma rue, maintenant la tête un peu plus haute et toujours à la bourre.  Mon regard cherche ces sentences parfois pleine de bon sens.

Petit florilège :

Ici : Paradis pour les uns, Pas un radis pour les autres

Ou là : Si au moins j’avais le nom de mon rêve pour pouvoir poser des fleurs sur sa tombe.

Ou encore : J’ai AIIIIIIIM, j’ai déjà mangé mon F

Unitaire de tout les pays, proletez-vous

A cause de l’indifférence générale demain est annulé.

N dieudonné, ni maitre gimm’s

Bref, je pourrais y passer la nuit. J’accélère le pas, faut que j’arrive au Breughel pour faire ma chronique.  Je me prends à rêver une histoire, en croisant quand même cet autre là : « Juan : tu me dois un lever de soleil. »

Peut être que c’est vrai que Pink’s not dead, et que avec tout ça je peux voir ma ville en rose. Alors hésitez plus, n’attendez pas qu’on vous donne la parole pour la prendre.

J’entre au Breughel un peu moins déprimé, en me disant qu’en sortant de l’émission, je choisirais un beau mur blanc pour inscrire : Bonne année. Et meilleur vœux à la brigade anti tag.

 

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Aie aie aie aie

Bon, ben voilà, une nouvelle nouvelle goguette pas rigolote, mais bon. Entre autre chose y a quand même un lien en bas pour une petition d’amnesty. Je sais pas si ça changera grand choses, mais bon…

C’est sur l’air de la médaille de Renaud.

Pour le chant, c’est là

 

Je vous avoue qu’ce soir

j’ai plus beaucoup d’espoir

en notre humanité

Car je me suis fais mal

En ouvrant mon journal

J’ai eu envie d’chialer

Le président tchétchène

Veut en moins de deux semaines

Buter tout les homos

Les lesbienne bi et trans

En toute indiferrence

Sans qu’on en pipe un mot

Enfin c’est des rumeurs

Il jure sur son honneur

Que ce n’est même pas vrai

La preuve, c’est que la bas

ça n’existe vraiment pas

Les tapettes, les PD

Même que la Russie

A confirmer pardi

Qu’il n’y a pas d’exaction

N’empeche si on laisse faire

S’develloper cette enfer

Il va avoir raison

Aragon a ecrit

Il est heureux celui

qui va mourir d’amour

Faut quand meme le dire vite

Le crime pedarastique

A encore de beaux jours

Tant que quelque guignols

rempli de haine et d’alcool

s’en remettront à Dieu

Y aura pas d’vie pepere

Pour toi mon presque frere

Y a d’la place dans mon pieu

Et même si je sais bien

Chanter c’est un peu vain

voire un peu dérisoire

C’est comme ça que je chante

sur tout ce qui me hante

Contre le désespoir

C’est un peu dur à dire

Je sens que j’fais pas rire

Mais j’vais m’ameliorer

Promis, ce sera plus chouette

A la prochaine goguette

je me ferais plus gai

Bon ben moi je vous laisse

Je vous souhaite d’la tendresse

et des tonnes d’amour

Je m’en va sans un bruit

Pour retrouver mon lit

J’veux rever comme un sourd

D’un monde un peu moins moche

Qui m’file moins la petoche

et un peu plus jolie

Un rêve sans appel

Revoir un arcenciel

Sous l’ciel de Tchetchenie

 

https://www.amnesty.fr/discriminations/petitions/homosexuel-tchetchenie

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Le chameau de Schrödinger [B2]

Bon, voilà ma deuxième. Pour le coup, c’est un peu un sujet triste, qui n’a, je vous rassure, aucune vocation autobiographique. Sauf pour cette histoire de chameau. Si ça dit quelque chose à quelqu’un, qu’il n’hésite pas, ça me hante un peu cette histoire. Et bonne lecture.

Le chameau de Schrödinger

La scène se déroule devant une datcha russe. Au printemps. Ou en été peut-être ? En tout cas, il fait chaud. Le soleil cogne fort. Sur le perron de la maison, un ivrogne – ou un explorateur -, un genre d’ivrogne-explorateur quoi, veut boire à sa flasque, se rend compte qu’elle est vide, et dit tristement : « Quelque part au Sahara, un chameau aussi meurt de soif ». Ou quelque chose approchant. Dans mon souvenir, cette scène doit se trouver quelque part dans une pièce de Tchekhov. Mais je n’ai jamais réussi à la retrouver.

De temps en temps, je songe à ces chameaux qui meurent de soif au Sahara, et je me demande où j’ai bien pu lire ça. Je suis presque sûr que c’était dans Tchekhov. Presque sûr, mais pas tout à fait. Il manque un mot pour dire ça. Cette état de flou et de certitude à la fois. J’ai jamais été très doué pour inventer des mots ou des concepts. C’est le job des poètes. Des écrivains. Mais les écrivains, ils passent leur temps à parler de ces chameaux qui ont soifs et on ne sais même pas où on a lu ça.

L’hôpital a appelé hier. Maman était bouleversée. Et moi je pensais à ces foutus chameaux Tu voudrais bien y aller, chéri ? S’il te plaît ? Moi je n’aurai pas la force.

Oui maman, bien sûr maman. Tout ce que tu voudras, maman.

Je ne peux pas dire non à maman. Pour ça aussi, il manque un mot. Pourtant, y a des centaines de mots qui se découvrent chaque jour. Déméliser, par exemple. J’ai lu ça sur une pub dans le métro. Genre un shampoing qui démêle les cheveux et qui les lisse en même temps. Pratique. Mais pourquoi est ce qu’on découvre seulement les mots qui sont pratiques. Pourquoi on ne me donne pas les mots pour dire non à maman. Ou pour dire les chameaux qui meurent de soif. Faudrait quelque chose de plus fort que la soif. La déshydratation et plus encore. Un chameau qui meurt de soif, c’est pas anodin. Faudrait quand même un mot pour arriver à le dire.

Ça a vaguement un lien avec la cartographie aussi. Peut-être que le personnage n’est pas explorateur mais cartographe. Ou bien l’ivrogne discute avec un cartographe avant de se retrouver seul et de parler des chameaux du Sahara. Je ne sais plus. Ce n’est pas dans La cerisaie, ni dans Trois sœurs ni dans Oncle Vania. Je les ai relus mais sans succès. Pourtant, ça aurait pu, il y a des datchas, et des personnages de presque-ivrognes. Mais pas de chameaux. Ni de dromadaires d’ailleurs.

Il y a quelques années, j’avais vidé la bibliothèque paternelle en piochant des scènes au hasard dans l’espoir de retrouver ce camélidé insaisissable. J’avais quoi ? Vingt-deux ? Vingt-trois ? Dans les environs en tout cas. Je suis tombé un peu par erreur sur un recueil de poème de Louise Labbé. Pour une raison que j’ignore, mon père aimait bien Louise Labbé. Et entre deux pages, je suis tombé sur un mot que mon père avait griffonné à ma mère. Du genre de ceux que laissent les amoureux à l’aube avant de fuir la maison de leurs amants. Donc oui, je peux dire que mon père et ma mère s’aimaient. Et c’était la première fois que j’en avais la preuve. Alors que ce foutu chameau, nul trace.

Peut-être qu’il n’existe que dans mon esprit. J’aurais créé de toutes pièces un faux souvenir. Ça s’est déjà vu. Ou peut-être que ce chameau existe, qu’il meurt de soif. Que dans une autre œuvre, un ivrogne se saoule devant une datcha russe. Peut-être que les deux éléments ne sont pas liés. Peut-être qu’il s’agit d’une espèce de chameau de Schrödinger. Il existe et il n’existe pas. Et que tant qu’on n’a pas trouvé le bon livre, on n’a aucun moyen de le savoir. Peut-être que mon père n’est pas si mort que ça. Peut-être que mon père et ma mère s’aimaient. Ou non. Il manque un mot pour ça. Pour l’amour que se portait mes parents.

Mon père avait une curieuse habitude. Les jours chauds d’été, il plaçait sous sa langue un peu de sel pour se donner soif. Ça me fait penser à m’hydrater, disait-il. Je m’étais toujours dit que c’était con comme idée. On ne peut pas ignorer la soif. On ne peut pas parce que c’est une sensation qui s’appuie sur un besoin vital. Pas plus qu’on ignore la faim, le froid, la peur. Pas plus qu’on ne peut ignorer la jalousie, la haine, l’orgueil. Pourtant on peut. Il suffit d’avoir dans la tête une chanson vaguement familière, un problème très urgent. Pour mon père, se mettre du sel sur la langue, c’était pour lui une façon de se rappeler à ses besoins vitaux. Faudrait un mot pour dire le sel que l’on mets sous sa langue en disant du Tchekov. Ma mère parlait, pour le sel.

Sûr que mon chameau est de Tchekhov sinon pourquoi apparaîtrait-il là. À la fin. Peut-être que maman désapprouverait. Elle qui toute mon enfance s’est acharnée à coiffer mes cheveux et mes idées hirsutes. Qui jaillissaient dans les mauvaises circonstances.

Je suis là, devant mon père. En état de mort cérébrale a dit le médecin. Coma dépassé comme on dit. Il n’est en vie que parce que des machines le maintiennent. Sinon plus rien. Je me rappelle avoir lu quelque part, sans doute dans Tchekhov aussi, que l’O.M.S considère que la mort cérébrale est un diagnostic permettant de déclarer le patient comme décédé. Contrairement à l’arrêt cardiaque qui n’est pas forcément irréversible. Le cœur n’a même plus le droit de s’exprimer. On accorde toute la place au siège de la raison. Mais quelle raison ? Je suis là devant mon père, en coma de stade 4, déclaré en état de mort cérébrale, et que fait mon cerveau ? Il me renvoie les images de ce putain de chameau quelque part au Sahara.

Mon père. En état de Schrödinger. Mort et vivant. Ses poumons fonctionnent, son cœur bat, son sang circule. Et pourtant il est mort. Et je suis là, moi. Pour ouvrir la boite. Et appliquer une réalité par ma simple présence. Le simple fait que je sois témoin change tout. Il prouve son existence. Comment tu peux dire hein, la mort de ton père. L’oued roule sur le désert. Les chameaux meurt de soif. Ça arrive. Je cherchais des preuves d’amour, je ne les ai pas trouvé. Et pourtant elles existent. Comment on parle de l’amour en berne ?

Je suis sorti de l’hôpital, je me suis allumé une cigarette. Et puis je me suis rué dans un troquet pour boire quelque chose. J’avais la gorge sèche comme un désert. Puis j’ai pris mon courage à deux mains pour appeler ma mère. Pour lui demander comment c’était ? La vie sans moi. Tous les deux, maman ? Vous étiez comment ? Tu es heureuse maman ? C’est ce que j’aurais aimé dire. Mais il y a les non-questions, les non-réponses qui attendent qu’un observateur ouvre la boite. Mais l’observateur a toujours peur d’ouvrir la boite. On sait que le chat est à la fois mort et vivant. Et pour ça, il n’a même pas les mots pour affronter ça.

Maman ? Oui. Je t’appelle pour te dire que c’est fait.

Et que quelque part au Sahara, un chameau meurt de soif. Ou pleure. Un truc avec la déshydratation en tout cas.

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La goguette de six heure du mat’

Et oui comme quoi je chôme pas. Donc une nouvelle goguette dont tu trouveras les paroles en dessous. Ça cause de Guéant qu’a été condamné, ce qui est un peu une bonne nouvelle quand même. Alors je sais qu’il ira probablement pas en taule, mais bon, ça m’a fait plaisir de l’imaginer.

La dernière sentence

Sur l’air de la dernière séance d’ Eddy Mitchell

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Deux première goguettes

Bon ben voila, voici mes deux première goguettes de l’année. L’idée c’est dans faire une par semaine, mais du coup là j’en fais deux, dont une où c’est triché, parce que c’est une vieille et j’ai juste rajouter un couplet. Je vais également essayé de les héberger sur ce site, mais ça à l’air compliqué. Bref. Enfin dernière chose, pour les goguettes d’actualité, je mettrais systématiquement un lien vers un article mais pour ne pas être taxé de cryptomarxiste, ce sera des liens vers L’Obs, le Figaro, le Monde et l’express. (Amis cryptomarxiste, soyez prévenus).

La première concerne le procès des voleur de chaises de la BNP Pariba

Pour l’info c’est ici

Et la goguette est là.

La deuxième concerne le fait que la misère tue. Autant vous dire que c’est marrant.

Pour cette histoire de flics qui piquent les couvertures

Sinon là goguette est là.

Bon dimanche à vous

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En fin de conte

Bon ben, voilà, je reprends le projet Bradbury. Comme en 2015. L’idée ? Une nouvelle par semaine. Ce sera pas forcément fameux, mais je vais essayer de faire au mieux. D’ailleurs, je commence par une qui n’est même pas déprimante. Je précise tout de même que la dernière phrase m’a été fourni par un truc que j’ai lu sur un mur. Réel ou virtuel, allez savoir, je ne me souviens plus Lire la suite

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